[Première publication : 23 juillet 2014.]
Daniel Roberge, un vieux routier du milieu des arts visuels, a dû prendre une décision il y a 6 mois. La banque ne voulant plus lui assurer une hypothèque sur son local du 2112 Amherst à Montréal, il doit déposer les armes. La galerie Zéphyr, ouverte depuis 2001, fermera ses portes le 20 septembre prochain.
Un galeriste déçu, mais les artistes, aussi, perdent un lieu d’exposition convoité. Les vernissages chez Zéphyr étaient un point de rencontre important pour les artistes de Montréal. Étienne Martin, André Demers, Zïlon, Jean Chaîney, Yvon Goulet, Ben Williamson, Vince, Éric Godin, Françoise Issaly, David Merk, Frederick Oulette, Philippe Mayer, Dominique Desbiens ont tous passé par là — pour ne nommer que ceux-là. « J’aime beaucoup les artistes. J’aime les arts et les artistes » explique le galeriste, qui a étudié au cegep et à l’université en arts. Il a également possédé une galerie à Cape Cod. « Je trouve que les artistes, ce sont les meilleures personnes pour être bien entouré et pour travailler. Et il n’y a pas beaucoup de divas [rires], contrairement à ce qu’on peut croire ! ».
Manque de clients
« C’est le manque de clients, surtout. Le manque d’acheteurs. Les six dernières expositions, j’ai presque rien vendu. Et j’avais des bons artistes ! ». Zéphyr présente actuellement la seconde édition de « C’est gros en petits ». Chacun des 60 artistes devait produire trois œuvres 10’’ x 10’’, pour un prix maximal de 300 $ par pièce. Il accrocha ainsi 180 tableaux. Une bonne manière de créé un lien entre le public — qui peut se procurer des œuvres faciles à placer dans un décor et pas trop lourdes pour le portefeuille — et les artistes, qui profitent d’une bonne occasion de vendre. « L’année dernière, j’avais moins d’œuvres et j’en ai vendu 60. Cette année je n’ai vendu que 27. » Réjoui, pourtant du vernissage plein à craquer, Daniel Roberge est toutefois découragé. « Oui, j’ai un beau lancement, mais après ça je n’ai que 1 ou 2 personnes par jour. Et les journaux n’en parlent pas. J’ai envoyé mes communiqués partout, mais personne n’a répondu. 60 artistes ensemble, c’est rare ! »
Sept sources de crédit
« La grande chance que j’ai eu c’est d’acheter le local pour vraiment pas cher. ». Daniel Roberge, malgré des années toujours déficitaires, à toujours réussi à vivre sur la valeur croissante de son hypothèque. Mais, lorsqu’il y a six mois, il a demandé à la banque de lui faire un nouveau prêt sur l’hypothèque, cette dernière a refusé. « Il faut dire que si j’étais mon banquier, j’aurais fait la même chose ! J’ai soutiré de l’argent par 7 différentes sources de crédit. Je n’avais plus le choix de fermer boutique. ».
« Jusqu’à il y a six mois j’étais très positif. Quand j’ai rencontré la banque, j’ai su que c’était fini. C’est dommage, parce que j’ai une bonne gang d’artistes. Je m’entends bien avec eux-autres, je sais comment dealer avec eux-autres. ». C’est un véritable choc pour un galeriste qui se voyait encore bon pour plusieurs années.
C’est un endroit de moins où les artistes de Montréal pourront exposer. Une triste réalité, puisque la mission de Zéphyr était de promouvoir l’art actuel. « Quand j’ai ouvert, c’était plus crunchy. Je vendais des meubles vintage et des œuvres d’art. À l’époque, il y avait les peintres Pascal Caputo, Justin Lalancette et Patrick Morency. J’intégrais les œuvres au décor, avec les meubles, les bibelots. Mettre l’œuvre dans l’endroit ou tu vis. » Avec les années, il a finira par abandonner les meubles, mais conservera le lien avec les artistes de Montréal. Les expositions de Zéphyr étaient toujours originales, avec des artistes contemporains majoritairement québécois.
La dernière rencontre
La dernière exposition aura lieu au mois de septembre, après quoi le local sera vidé et la page sera tournée. « J’ai contacté les artistes que j’avais programmé d’avance pour leur proposer un exposition de groupe, afin de respecter mes ententes. Ils ont tous accepté sauf un. ». L’exposition « La dernière rencontre » se tiendra du 8 au 20 septembre. Les artistes invités sont Lorraine Auger, Alexandra Bastien, Danièle Deblois, Mark B. Garland, Melsa Montagne, Dave Todaro, Vince et le galeriste lui-même qui exposera des tableaux.
« C’est le chant du cygne. Je quitte le milieu avec un peu d’amertume. De la déception aussi. Surtout la déception que ça n’aie pas marché. J’avais pourtant l’impression que j’avais tout fait pour que ça marche. Je me suis peut-être trompé. Mais je suis content de mes 13 ans. D’avoir toujours montré des bons artistes. Mon but c’était de créer une galerie qui n’était pas intimidante. Une galerie accessible. ». Ces 13 années ne seront pas un mauvais souvenir. Daniel Roberge se dit content d’avoir vécu cette expérience, d’avoir rencontré les artistes, d’avoir collectionné leurs tableaux. Mais il doit tourner la page. Ça nous manquera certainement de se rendre chez Zéphyr pour être accueilli par son aimable galeriste et sa fidèle chienne, Zéphy, mascotte officielle de l’endroit, bien connue de tous !
Zéphyr, lieu d’art
2112 rue Amherst
Montréal, PQ
La dernière rencontre
Exposition collective
Du 8 au 20 septembre
Vernissage : Jeudi 11 septembre dès 17 h.