C’est le 14 novembre 1913 que Bernard Grasset a publié « Du côté de chez Swann ». Un brouillon de ce qu’allait devenir la Recherche du Temps Perdu.
Bien qu’il passe aujourd’hui pour être un des plus grands, l’immense roman en 7 volumes de Marcel Proust n’a pas connu le succès facilement. Refusé par toutes les maisons d’éditions, « Du côté de chez Swann » était « mal écrit », « sans intrigue », « plein de duchesses », bref ennuyeux selon l’édition de l’époque. Bien qu’actif dans le Figaro, ayant publié des textes parcimonieusement, le nom de Marcel Proust ne dit rien à personne.
Bernard Grasset flaira mieux que la NRF, Fasquelle et Ollendorff. Sans même l’avoir lu, il signe une entente avec Proust le 13 mars 1913 pour la publication de son roman. L’auteur, conscient de son talent, obstiné, s’offre à payer les frais d’éditions. Le roman sera publié en trois tomes, sous le titre général de « La recherche du Temps Perdu ». Le livre se vend à 2000 exemplaires en deux mois, un succès d’estime. Dans la littérature américaine, alors en plein essor, il sera comparé à Henry James.
S’entame à ce moment la longue route infernale que sera la publication de l’entièreté de la fameuse Recherche. Déjà énorme, presque impubliable, Proust profite de la guerre (1914-1918) pour quadrupler le volume de ce qui sera finalement une œuvre inachevée. Elle deviendra une des plus grandes de la modernité.
Ça ne prendra pas longtemps pour que la NRF et Gallimard s’en mordent les doigts. Proust finira d’ailleurs à la NRF. André Gide se tiendra responsable du refus du premier tome et s’en excusera longtemps. Proust gagnera le prix Goncourt pour la suite de « Chez Swann » — « À l’ombre des jeunes filles en fleurs » — en 1919, trois ans avant de mourir.
« Du côté de chez Swann » raconte la jeunesse du narrateur à Combray. Il s’agit en fait de la ville d’Illiers qui sera rebaptisée Illiers-Combray à la mémoire de Marcel. S’ensuit l’histoire de Charles Swann — alter ego du narrateur dans le roman — et de son amour pour une cocotte : Odette de Crécy. Il s’agit en fait d’un archétype de ce qui suivra dans les tomes ultérieurs (avec Gilberte, Oriane, Albertine) et contient, soit dit en passant, la seule partie de la Recherche écrite à la troisième personne.
[Voir aussi l’article du Figaro – Voir le premier article de Simon DuPlessis sur Proust.]