« Ce qui reste à l’homme incapable de surmonter l’absurde, c’est le rire. »
Eugène Ionesco
Grand amoureux d’Ionesco, Frédéric Dubois a déjà monté presque toutes ses pièces. En 1997, Dubois choisit La Cantatrice chauve comme premier spectacle du Théâtre des Fonds de Tiroirs qu’il vient alors de fonder. L’an dernier, interpellé par un reportage diffusé à Télé-Québec, portant sur trois femmes atteintes de la maladie d’Alzheimer, Frédéric Dubois a choisi d’aborder la pièce sous l’angle de la mémoire. « Ce qui m’a troublé dans ce reportage, explique le metteur en scène, c’est la grande candeur de ces femmes. […], le décalage entre le corps figé de ces vieilles dames, la dégradation de leurs facultés cognitives, et leur regard allumé […] » Frédéric Dubois est récipiendaire du prix John-Hirsh 2008, remis par le Conseil des arts du Canada, qui souligne un début de carrière singulier et prometteur.
Le spectacle
La Cantatrice chauve nous amène chez les Smith, couple anglais bourgeois et traditionnel. Arrivent les Martin, en retard à moins qu’ils n’aient jamais été invités. En tentant d’apprendre l’anglais avec la Méthode Assimil, Ionesco découvre l’absurdité de ces phrases toutes faites alignées sans sens. L’idée de La Cantatrice chauve, dont le titre original fut L’Anglais sans peine, est née. Avec des dialogues irrésistibles, La Cantatrice chauve met en scène deux couples aux propos futiles et incohérents, une pendule contrariante, une bonne se prenant pour Sherlock Holmes et un capitaine des pompiers cherchant à éteindre un feu qui n’a jamais été allumé.
Après cette première pièce, des gens du public sont invités à piger dans un chapeau le nom des interprètes qui joueront la pièce suivante. La Leçon met en scène une étudiante qui prend des leçons particulières en préparation de son doctorat total, un vieil enseignant aux méthodes pour le moins originales et une vieille bonne qui essaie de contenir ce dernier. La performance délirante du vieux professeur fait de cette pièce presque un one-man-show.
Les deux pièces sont jouées dans un décor dépouillé à l’extrême. Des chaises d’écoles, des lampes sur pied identiques, un plancher bleu et vert d’hôpital, pour la première, des chaises et une petite table pour la seconde. Des habits aux couleurs fades. Un environnement sonore discret mais efficace. Un dépouillement qui semble conçu pour laisser toute la place au texte et au jeu éloquent des acteurs. Deux classiques du théâtre de l’absurde à voir ou à revoir.
Notes sur Eugène Ionesco
Né en Roumanie, en 1909, d’un père roumain et d’une mère française, Eugène Ionesco passe sa petite enfance en France pour regagner ensuite la Roumanie. En 1942, il s’installe à Paris. Sa première œuvre dramatique, La Cantatrice chauve, sous-titrée « anti-pièce » (1950), va durablement marquer le théâtre contemporain et faire d’Ionesco l’un des « pères » du théâtre de l’absurde, une dramaturgie dans laquelle le non-sens et le grotesque recèlent une portée satirique et métaphysique. Parmi les pièces qu’il a écrites, mentionnons La Leçon (1950), Les Chaises (1952), Amédée ou comment s’en débarrasser (1953), L’Impromptu de l’Alma (1956), Rhinocéros (1959), dont la création par Jean-Louis Barrault à l’Odéon-Théâtre de France apporta à son auteur la véritable reconnaissance. Viendront ensuite Le Roi se meurt (1962), La Soif et la Faim (1964), Macbeth (1972). Auteur de plusieurs ouvrages de réflexion sur le théâtre, dont le célèbre Notes et contre-notes, Eugène Ionesco connut à la fin de sa vie cette consécration d’être le premier auteur à être publié de son vivant dans la prestigieuse bibliothèque de la Pléiade. Eugène Ionesco est élu à l’Académie française le 22 janvier 1970. Il s’éteint à Paris en 1994, à l’âge de 85 ans.
La Cantatrice chauve suivie de La Leçon d’Eugène Ionesco
Mise en scène : Frédéric Dubois
Une production du Théâtre des Fonds de Tiroirs
Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Ste-Catherine Est, Montréal
Du 6 au 28 février
[Voir aussi le site du Théâtre de la Huchette. Écouter La Cantatrice chauve lue par Ionesco. Site consacré à Eugène Ionesco.]