L’Acadie du Québec en deuil

Stéphan Bujold, président
Fédération acadienne du Québec

Aux Îles-de-la-Madeleine, pays d’Acadie, est survenue une autre tragédie : un petit appareil s’y est abîmé. Toutes les personnes à son bord sont décédées. Lorsque l’on connaît du monde de l’archipel du Golfe et qu’on entend une telle nouvelle, on s’inquiète forcément. Je ne connaissais personne à son bord, mais je n’étais pas pour autant soulagé… Qui au Québec, voire en Acadie et au Canada, pouvait se targuer de ne pas connaître Jean Lapierre? Voilà donc qu’une tragédie aérienne locale prenait des dimensions nationales. Même si les couches de cette tragédie semblent sans fin, je ne souhaite n’en aborder que quelques-unes me tenant particulièrement à cœur.

Tout d’abord, cette dame s’apprêtant à enterrer son mari qui devra aussi conduire à leur dernier repos quatre de ses enfants. C’est à elle que j’ai pensé avant tout. Et je dois admettre que je ne sais quoi dire. Les mots me semblent futiles en une telle circonstance. Je me risque quand même à lui transmettre mes plus sincères condoléances et lui assurer que mes pensées sont pour elles et les membres de sa famille que le destin a épargnés.

L’autre dimension qui me choque, me révolte davantage qu’elle me chagrine, c’est le sort que l’on réserve aux régions dites reculées lorsque vues depuis les grands centres urbains. En Gaspésie, sur la Côte-Nord ou aux Îles-de-la-Madeleine, tous pays Acadiens d’ailleurs, on laisse les ports et les aéroports en délabre; on réduit les services d’autobus ou on interrompt les liaisons ferroviaires. Voilà comment l’on traite les régions après les avoir vidés de leurs ressources naturelles : on s’attaque maintenant à leurs ressources humaines.

Comme pratiquement tous les Madelinots, Jean Lapierre était un Québécois d’origine acadienne ou un Acadien du Québec, c’est selon le point de vue. Il était aussi le plus connu des Madelinots, non seulement au Québec, mais bien dans tout le Canada. Dans ce sens, pour tous les membres de mon organisation et moi-même, probablement aussi pour tous les Acadiens et Acadiennes du Québec et de l’Acadie, il était sujet de fierté. Son intelligence, son humour, son implication et son sens de la formule, notamment, manqueront à tous, mais particulièrement aux habitants de l’Acadie — ce pays aux contours flous et méconnus, sinon carrément ignorés, qui perd avec Jean Lapierre un brillant ambassadeur.

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