Est-ce que le FIMA a FAIM ? (3)

[Troisième volet de quatre. Pour lire le premier volet, le second volet.]

Le Festival Interna-tional de Montréal en Arts (FIMA) en arrive à sa 15ème édition l’an prochain. Comme toujours, du côté de l’organisation, on n’est toujours pas certain s’il sera possible d’y arriver. Avec une bonne bouteille de blanc, je me suis entretenu pendant plus d’une heure avec mes amis Paul Haince, le président-fondateur, et Stéphane Mabilais, directeur général. Une version allégée de cette entrevue est parue en août chez Décover Magazine. Vous avez ici la version intégrale, sans coupures !

Troisième partie

S.D. : Ce que nous avons précédemment dit nous porte à croire qu’avec les années, ça devient de plus en plus difficile de survivre. Au début, le projet m’a semblé naître d’un besoin et il a été accueilli bras ouverts tant par le public, le privé, la communauté artistique, et les gens aussi. Êtes-vous d’accord ? 

P.H. : Oui, mais là arrive la SDC [Société de Développement Commercial]. Ils nous disent : « On va fermer la rue ». Au début, c’est nous qui la fermions. On a été les premiers à fermer la rue.

S.M. : C’est  sûr que la rue fermée d’avance, ce n’est plus la même effervescence. Ça, on le ressent. Mais, il y a des bons et des mauvais côtés. Tu sais, avant nous n’avions pas la subvention de la SDC. Elle nous paie maintenant ! L’Association des Commerçants, elle, à ses débuts, n’avait rien pour le festival.

FIMA-6

S.D. : Vous avez donc contribué au projet de la rue Ste-Catherine piétonnière. Encore une fois, vous avez ouvert la porte, montré que c’était possible ?

S.M. : Bien oui !

P.H. : J’étais là quand on a voulu fonder la SDC. Ça prenait une SDC à la place de l’Association des Commerçants, évidemment. Mais revenons à la rue. La SDC a fermé la rue pour les Outgames. Elle avait du budget. Ça devenait plus sérieux. C’est gros. St-Hubert, TVA, la Banque Nationale… Avec Labatt, aussi, ils ont certainement négocié beaucoup plus gros que le petit 20 000 que nous avions !

S.M. : Mais c’est aussi un avantage la rue fermée. Avant, c’est nous qui la fermions : des bénévoles, de la sécurité, ça prend du monde !

P.H. : Il faut je te dise ça ! Ça ne semble pas vraiment dans le sujet, mais ça fait partie de la chose. Un moment donné, la subvention qu’on avait avec le ministère des Affaires municipales et développement de la métropole, je me souviens, c’était Laurent Lessard, il nous appelle et il nous dit : « Vous en avez eu assez ».

S.M. : On avait eu, en 10 ans, ce que d’autres festivals ont en 1 an !

P.H. : J’ai voulu contester la décision. Je suis allé les rencontrer. « Depuis quand la culture peut se priver de subvention… bla bla bla… ». Tu connais la chanson. Mais ils nous ont dit que le programme duquel nous profitions allait être aboli. Le nouveau programme, pour y accéder, il fallait démontrer que l’on faisait parler de nous à l’étranger ! Ça veut dire quoi ça ? Ça veut dire Juste pour rire, le jazz, mais pas nous autres !

S.D. : Paul, Stéphane, est-ce que le FIMA a FAIM !?

P.H. :[Rires] Oui. C’est très difficile. Et la subvention et la commandite, c’est pas… c’est pas un cadeau !

S.M. : Ce n’est vraiment pas facile. Regarde, pour l’arrondissement on ne sait pas encore ce qu’on va avoir l’année prochaine. À Patrimoine [Canada], on va le savoir 3 mois avant l’évènement !

S.D. : C’est ça aussi. Vous n’avez jamais la possibilité de prévoir ce qui se passera l’année d’après ? 

P.H. : Exact.

S.M. : C’est tout le temps comme ça. On ne peut pas bouger. Dernière minute.

P.H. : Si Patrimoine nous lâche, qu’est ce qui arrive ? On signe des engagements nous autres, dans l’espoir de l’avoir. Si on ne l’a pas, on ne peut pas respecter nos engagements. C’est ça au fond ! C’est de la haute voltige ! Et il n’y a rien qui arrive tout seul. Le privé, c’est la même chose. Il faut qu’on se trouve un commanditaire principal justement…

S.D. : Comme TD pour Fierté Montréal ?

P.H. : Genre. On ne va pas mettre des caisses aux entrées du festival comme les autres avaient fait, on va se casser la gueule ! Tu l’as dit tantôt, on ne peut pas prévoir. Il nous faut chercher dans le privé. Là, on jase avec un gars — on ne dira pas c’est qui — mais il faut que ça marche. On va présenter un dossier à Bérubé, ministre du tourisme. On va voir ce qu’on peut aller chercher là. Mais bon, à la question est-ce le FIMA à faim, c’est oui ! Pas faim parce qu’on veut s’en mettre dans les poches ! Faim, parce qu’on voudrait prévoir. Ce que ça nous prendrait c’est un plan triennal.

[Lire le dernier volet.]

[NDLR : cette entrevue sera publiée en quatre parties, les lundis 12, 19, 26 août et 2 septembre. Illustration : Le cri - Edvard Munch (1863-1944). Photo : Jean Chaîney.]

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