Le marché de l’art
Certaines questions de notre sondage concernaient le revenu des artistes. Ce qui a donné lieu à beaucoup de commentaires sur le marché de l’art de la part des artistes, et de Pierre-Marc Desjardins, un agent d’artistes qui a accepté de nous répondre.
La situation économique des artistes est la plupart du temps désastreuse. Je peux rester plusieurs mois sans vendre, je ne vis pas de mon art, je débourse beaucoup plus que les profits, je dépense plus que mes revenus.
Il faut dire que les temps sont de plus en plus difficiles. Nous le voyons dans l’explosion des coûts au supermarché, sur le compte d’électricité. Le gouvernement du Québec, aussi, serre la vis. Il est naturel que le marché de l’art en subisse les contrecoups. La situation économique des dernières années a grandement ralenti le marché en investissement et acquisition d’œuvres d’art, nous explique l’agent Pierre-Marc Desjardins.
Un des premiers endroits où les gens coupent c’est dans l’achat de toiles, exprime un répondant. Un autre de dire : « Dans les années 2000, le marché de l’art était florissant, ça vendait, les Américains et autres visiteurs dépensaient dans les galeries québécoises. Avec la récession et la montée du dollar [canadien], de nombreuses galeries ont fermé leurs portes. »
Un des répondants a perdu son gagne-pain, dû aux compressions : « Ma spécialité a été pendant 15 ans les couvertures d’albums rock. Avec le ralentissement des ventes de musique, les compagnies de disques ont diminué les budgets alloués aux couvertures. »
On a aussi dit que la visibilité augmente tranquillement, mais le public n’achète pas. D’autres disent qu’il y a beaucoup d’admirateurs mais peu de collectionneurs ; les collectionneurs sont rares ; il y a prolifération d’œuvres sur le marché, mais peu de collectionneurs. Toutes des réponses abondent en ce sens.
Un phénomène qui n’aide pas du tout à la cause : les œuvres imprimées vendues chez IKEA, Walmart et autres magasins à grande surface. La plupart des gens décorent leur maison avec des posters IKEA ! Malgré le fait que l’on peut avoir de belles sérigraphies pour moins cher que chez IKEA ; j’ai dû rajuster mes prix, autrement les gens n’achètent pas. On trouve des copies d’œuvres dans les grands magasins pour des sommes modiques, relatent deux répondants.
Il y a du travail à faire au Québec. Pierre-Marc Desjardins : « L’important c’est de défendre la valeur de l’investissement dans l’achat d’œuvres d’art originales d’artistes québécois sur les marchés nationaux et internationaux. Et défendre, auprès des entreprises, l’importance d’exposer ces œuvres dans leurs locaux, à la vue de leurs clients. Afin de contribuer à l’accroissement de leur image de marque. » Un répondant affirme : « Nous devons et devrons développer de nouvelles approches pour nous faire gagner plus d’argent. Nous le faisons et le réalisons depuis quelques années. Mais nous sommes en bas du seuil de la pauvreté, c’est tout dire. »
Une petite rancune, toutefois, contre un marché qui privilégie toujours les mêmes. Il y a des gros joueurs qui peuvent faire une différence. Autre que de s’approprier un marché sélectif de quelques individus pour créer une surenchère et voguer ainsi jusqu’à épuisement.
Une nouvelle clientèle, plus jeune, qui achète des œuvres originales, émerge au Québec. Je constate qu’il y a une nouvelle clientèle au Québec, constituée de jeunes acheteurs qui réussissent dans le monde des affaires et qui achètent des artistes québécois vivants. Auparavant, ce type d’acheteur achetait des valeurs traditionnelles ; Il y a des gens de classe moyenne qui achètent des condos, des maisons et des lofts en ville. Ils veulent des œuvres abordables, ce qui est idéal pour les jeunes artistes.
Il faut rappeler que les artistes doivent se vendre eux-mêmes. La clé du succès selon certains. Un artiste nous dit : « J’expose d’avantage depuis un an et je vends un peu dans une galerie du Vieux Longueuil. » Un autre : « En tant qu’artiste ma carrière perso a pris du galon ces dernières années, à force de travail acharné, de représentation sur les médias sociaux », « plus je vieillis, plus je suis reconnu et plus c’est facile. »
Il faut aussi ajouter des cordes à son arc, comme le souligne cette répondante : « Je gagne beaucoup mieux ma vie depuis que j’ai intégré la vidéo à mon programme. » ■
[Photo : Œuvre de © Mélanie Fay.]