Seth’s Dominion, un documentaire passionnant sur la l’intrigante œuvre de Seth, bédéiste à succès originaire de l’Ontario. Son univers décalé et extravagant ne nous laisse pas sur notre faim. Se perdant parfois parmi ses nombreux projets ou son imposant parcours, l’intérêt demeure, puisqu’on y retrouve toujours le fil conducteur : la nostalgie.
Navel-gazing. C’est un mot qui, dans ma tête, a pris le dessus sur le visage même de Gregory Gallant. Connu ou méconnu d’entre vous sous le pseudonyme de Seth, nom qu’il impose depuis le début de sa carrière de dessinateur. Tout comme son nom d’artiste, il s’attribue lui-même la caractéristique de navel-gazer, se traduisant en français par nombrilisme. Ce terme peut paraitre péjoratif, mais quand on réussit à réaliser ses rêves en le portant tatoué, l’est-il autant?
Nombriliste, il utilise avec obsession son histoire comme moteur artistique. La nostalgie, sentiment que l’on ressent souvent sans même le reconnaitre, se trouve au cœur de toute son œuvre. S’inspirant de son passé, à la manière d’une docu-fiction, il dessine depuis son plus jeune âge et a publié son premier roman graphique, It’s a good life, if you don’t weaken, en 1996. Il produit par la suite plusieurs bandes dessinées, appelée, avec plus de respect, roman graphique. Un mot qui lui répugne pourtant, car il ne démontre pas exactement l’esprit de son travail. Il ne se limite pas au dessin, mais affectionne aussi la construction de maquette. Le nom de ce projet de ville miniature qui renferme une histoire passionnante de son invention, a même inspiré le titre du documentaire : Seth’s Dominion.
Ce parcours ne peut qu’appartenir à Gregory Gallant, personnage qui m’a séduite et intéressée. On peut assurément qualifier Seth de personnage, car son œuvre ne se fige pas sur le papier, mais s’étend jusque dans sa vie quotidienne. Considérant la culture populaire actuelle comme fade, Gallant croit fermement qu’il aurait été plus heureux à une autre époque. Plus précisément les années 1920 et 1930. Son univers se développe alors autour de ces décennies mythiques. Passant de son style vestimentaire à la décoration de sa maison, qui est pour lui une œuvre d’art à part entière.
Étant de nature extravertie, il apprécie tout de même ces journées de travail, pratiquement minutées, qu’il passe seul dans son sous-sol. C’est sa manière de travailler depuis son plus jeune âge. En s’enfermant il n’entend que des bribes de vie, autrefois celles de sa mère, aujourd’hui celles de sa femme, et y trouve réconfort. L’inspiration lui vient à ce moment. Il prétend ne jamais avoir imaginé ce genre de train de vie, et pourtant y trouve tant de bonheur.
Son public, pas la gloire
Son art il le crée bien sûr pour son public, mais n’a jamais été intéressé par la gloire internationale. Il préfère d’autant plus avoir un lectorat réduit en produisant ce qu’il aime et surtout, sans faire de compromis. Comme mentionné plus tôt, ses journées sont planifiées de manière militaire. Il consacre, à son plus grand plaisir, une partie de celles-ci à des projets strictement récréatifs qui sont tout aussi intéressants que ceux qu’il choisit de publier. Il admire grandement la capacité de certains artistes à produire de l’art destiné uniquement à leur plaisir personnel. Seth’s Dominion, sa maquette de ville, était en premier lieu voué à demeurer au sous-sol. Gregory Gallant a pourtant accepté que nous ayons aujourd’hui la chance de l’admirer au Centre des arts de la Confédération à Charlottetown. Peut-être un jour pourrons-nous apprécier les nombreuses initiatives présentement inconnues de ce dessinateur canadien?
Que ce soit pour ses bédés, ses intérêts ou ses maquettes, toutes les raisons sont bonnes pour s’informer sur le parcours de Gregory Gallant. Le documentaire Seth’s Dominion permet d’acquérir une compréhension profonde de son univers, ses sujets de prédilection, son évolution. J’ai été captivée pendant ces 42 minutes, et je n’ai qu’une seule envie : me procurer au plus vite ses ouvrages et me perdre dans la nostalgie de ma propre jeunesse.
Seth’s Dominion sera présenté le jeudi 16 octobre prochain au à 15h au Pavillon Judith-Jasmin annexe UQAM, 405 rue Ste-Catherine Est, dans le cadre du Festival du nouveau cinéma. Les billets sont disponibles via ce lien.