Graffitis et tags, œuvres protégées ou non ?

Me Damien Pellerin, avocat associé,
Pellerin Savitz Avocats
Collaboration spéciale

Les graffitis et tags constituent une forme d’arts visuels particulièrement populaire en milieu urbain, mais bénéficient-t-ils pour autant des mêmes protections que les autres œuvres d’art? Récemment, un artiste, Monsieur Alexandre Veilleux, mieux connu sous le pseudonyme d’Alex Scaner, a saisi le Tribunal d’une requête afin de lui faire reconnaitre ses droits quant à un tag qui aurait été reproduit et modifié sans son autorisation pour figurer dans le générique d’introduction de la célèbre série télévisée de Madame Fabienne Larouche, 30 Vies. Dans le cadre de la présente chronique, nous aborderons, dans un premier temps, l’état du droit d’auteur, ensuite les implications juridiques de la création d’une œuvre sans le consentement du propriétaire de l’immeuble touché et, enfin, les limitations de l’usage commercial de ladite œuvre.

Tout d’abord, il ne fait nul doute qu’un graffiti, pour autant qu’il soit original, constitue une œuvre protégée par le droit d’auteur. En effet, la Loi sur le droit d’auteur protège toute œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique, qui est fixée sous une certaine forme matérielle et qui est considérée originale. Mais qu’en est-il quand il s’agit d’un tag, comme c’est le cas dans le dossier étudié? Après étude de la jurisprudence, nous n’avons trouvé aucun précédant qui permettrait de répondre à cette question clairement, mais nous sommes toutefois porté à croire que le tag en question pourrait fort bien être reconnu comme une œuvre protégée, puisqu’il dégage une originalité, similaire à celle d’un logo ou d’une marque de commerce.

Ensuite, prenant cette prémisse pour avérée, est-ce que les graffitis et tags peuvent être photographiés et reproduits sans l’accord de leurs auteurs? Considérant que les immeubles sur lesquels sont créés ces œuvres font partie du paysage, il nous semble clair que la question précédente se répond par l’affirmative, puisqu’un paysage peut être reproduit sans autorisation. De plus, considérant le principe juridique selon lequel nul ne peut bénéficier d’un acte illégal et que, souvent, ces graffitis et tags sont créés sans l’accord du propriétaire de l’immeuble, constituant ainsi un méfait au sens du Code criminel, il nous apparait hasardeux de croire qu’un artiste pourrait empêcher la reproduction de ses œuvres.

Enfin, dans le cadre d’un usage commercial, l’état du droit diffère grandement. En effet, nous ne croyons pas que l’on puisse reproduire une œuvre d’art pour un usage commercial sans compenser son auteur. Cependant, considérant l’absence de courant jurisprudentiel clair et non-équivoque lorsque l’œuvre constitue en soi un méfait, ce sera au Tribunal de trancher cette question et de faire jurisprudence. Gageons que ce débat juridique saura enflammer les passions, en plus de représenter un défi juridique qui fera couler beaucoup d’encre!

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