L’art plastique : Un diamant brut

Qu’est-ce que le cours d’art plastique au secondaire ou plutôt que devrait être le cours d’art plastique au secondaire.

La créativité fait peur. Non, le chaos fait peur. Mais quel est le meilleur moyen de créer? Au fil des années, le domaine des arts a souvent été perçu comme à l’écart ou inutile. On pourrait en parler des heures, mentionnant les nombreuses coupures faites par l’État dans ce champ d’activité. Parce que la créativité ce n’est pas rentable pire. Pire, ça fait peur.

On le sait tous, les valeurs nous viennent en grande partie du milieu dans lequel on évolue. L’école prend alors toute son importance. Les institutions qui mettent les arts de l’avant sont peu nombreuses. Le seul nom qui me vient en tête est F.A.C.E., acronyme désignant Formation Artistique au Cœur de l’Enseignement. Une école primaire et secondaire montréalaise qui depuis 1975 offre un programme riche mettant les arts au premier plan.

Habituellement, les écoles se conforment au programme du gouvernement, sans plus. Ce qui pourrait être amplement suffisant, si le programme d’art avait comme but premier la valorisation du domaine. À mon humble avis, l’art est une autre matière mal évaluée qui semble simplement combler un vide. Ayant fréquenté moi-même un établissement qui avait comme cheval de bataille le sport et toutes ses composantes, mes 95% de moyenne en art ne faisaient pas le poids. Comme dans la majorité des établissements secondaires, l’art n’est pas une matière prise au sérieux. On pourrait faire le même constat dans le monde adulte, car mis à part les groupes d’exceptions ou d’intellectuels, étudier ou travailler dans le domaine artistique s’accompagne d’un lourd bagage. C’est une vocation qui semble risquée, prétentieuse ou encore tout simplement superflue.

C’est en cinquième secondaire que j’ai eu mon premier cours d’art plastique, ayant choisie art dramatique les quatre autres années. J’y ai tout de même entrevu l’une des premières failles : la réaction extatique de notre enseignante, qui était enceinte à l’époque, en trouvant une remplaçante qui avait un véritable bagage en art. De fait, un professeur peut enseigner une matière dans laquelle il n’a aucune formation spécifique. Cette matière a toujours été sacrée pour moi, et pourtant plusieurs n’y voient pas l’intérêt.  Apprendre qu’une personne sans expérience en art plastique puisse enseigner à une classe enrichie m’a assurément surprise et même choquée.

Tout au long de l’année, cette matière m’a semblé passionnante. Un cours comme je n’en avais jamais eu, mais surtout un professeur comme je n’en avais jamais eu. Ce sont les retrouvailles avec cette même enseignante qui m’ont permis d’élaborer le contenu de cet article. Une période de questions qui lui était destinée, est rapidement devenue, sans même que je m’en rends compte, une sorte d’entrevue dont j’étais l’invitée. Déformation professionnelle, j’imagine. Cette rencontre m’a pourtant permis de pousser plus loin ce que j’essayais de comprendre en fouillant ce sujet. Repartant avec encore plus de questions, je crois bien qu’une d’entre elles m’est restée en tête : comment et pourquoi évaluer l’art?

L’art se base dans l’émotion, dans le ressenti. Une des seules matières qui permet de vraiment créer sans trop de contraintes. Plusieurs professeurs préfèrent pourtant figer leurs élèves dans un carcan. Chacun pour soi, chacun son cahier de croquis, chacun à son tabouret, chacun dans son coin pour être plus clair. Parce que, bien sûr, on a peur du chaos.  Pourtant les adolescents sont des boules d’émotions qui ressentent tout pour la première fois, ce qui souvent donne naissance à de superbes projets. Pourquoi les limiter? En parlant avec plusieurs jeunes adultes de leur expérience en cours d’art plastique, un élément semblait revenir pour chacun d’entre eux. Qu’ils aient adoré ou répugné ce cours, ils affirment tous ne jamais avoir eu plein contrôle de leurs projets. Bien sûr, le but de l’enseignant est d’installer des balises quant aux réalisations des élèves, mais certainement pas de guider le processus de A à Z.

L’évaluation dans les cours d’art plastique est présentement faite directement sur les œuvres de l’étudiant conformément aux compétences nommées : créer des images personnelles et créer des images médiatiques. On corrige, critique et note un travail qui provient directement de son ressenti. Je comprends mal comment on peut évaluer en se basant sur ce genre de critères. L’évaluation de techniques ou d’analyses de compréhension paraît très logique. Mais l’évaluation d’une interprétation complètement subjective d’un projet donné est plutôt loufoque à mes yeux. Accorder une note dans ce cadre diffère totalement des autres matières, car la rationalité n’est pas prédominante, mais aussi, car la performance n’occupe pas une aussi grande place. L’évaluation d’un projet artistique vient critiquer une compréhension personnelle d’un sujet. En fait, c’est critiquer ce que la personne pense. Comme dans tous les autres domaines, on ne peut pas être tous d’accord. Mais une divergence d’opinions avec un professeur mérite-t-elle une note plus basse?

Comme je le disais, ce cours est l’un des seuls qui permet une vraie liberté entre la compréhension et le résultat final d’un projet. Le seul cours qui devrait littéralement pousser à penser « outside the box », en dehors du cadre établi par les normes acceptées. Malheureusement, rares sont ceux qui ont la chance de l’expérimenter. C’est pourtant en laissant libre cours à l’imagination que des idées naissent et que des changements grandioses peuvent survenir. En brimant les élèves dès le secondaire dans leurs initiatives personnelles, sommes-nous en train de brimer les penseurs de demain? Sommes-nous en train de freiner les futurs grands créateurs du Québec? Évidemment, je dramatise un peu. Plusieurs artistes ont vécu de bien plus grande répression et ont persisté dans ce qu’il croyait être le mieux. Plusieurs devenus des personnages marquants du monde des beaux-arts ou de tout autre domaine.  Peut-être aussi ai-je une vision un peu trop idéaliste de ce que ce cours peut permettre.

Je ne prétends pas avoir les réponses miracles, mais simplement d’éclairer les contradictions qui se ressentent en tant qu’étudiant ou qu’enseignant d’art. Ce n’est certainement pas tous les jeunes entre 13 et 17 ans qui ont la même vision que moi sur l’importance de cette matière. Je fais partie d’une minorité qui adore les cours de ce type. Pourtant, il est indéniable que la conception du cours n’est pas adaptée à la matière en tant que telle. Alors M. Bolduc, serait-il temps de tailler le diamant?

Un merci tout spécial à Émilie Leger pour les renseignements et sa contribution à cet article.

[Photos : Œuvres de © 1- Michel T. Desroches - 2 - Melsa Montagne - 3 - Steve Saint-Pierre – 4 – Frederick Ouellet.]