Enquête sur les arts visuels (2)

L’art visuel dans les médias
Vu par les artistes et intervenants du milieu culturel

Les répondants de notre sondage ont été plutôt unanimes sur l’espace qu’occupe l’art visuel dans les médias en général. Force d’un courant étendu, les médias ciblent de plus en plus l’information qu’ils dispensent et tendent à réduire la couverture du culturel. Bien souvent au profit de médias spécialisés, peu connus du grand public. 

« Nous sommes loin du temps où des [Serge] Lemoyne étaient invités dans des émissions de divertissement et où l’on parlait d’art visuel dans les magazines à sensation. Exemple : le cahier week-end du Journal de Montréal consacrait une page entière aux arts visuels.     Cette dernière a été remplacée par une page cinéma, alors qu’ils dédient déjà 50 pages par semaine sur le sujet ».

Ce qui intéresse les médias, ce sont les nouvelles à sensation, les arts visuels ont toujours été les enfants pauvres des médias ; on ne retrouve dans les journaux que très peu d’articles sur le sujet ; encore moins [de place] dans les médias électroniques à large public comme la télévision ; il y a plus de musique et de cinéma que de visuel ; déjà que les arts tout court sont sous-représentés, les arts visuels, on n’en parle pas. Nous avons reçu plusieurs réponses sur le même ton.

Les artistes et les amateurs d’art sont déçus de ne plus trouver autant de couverture médiatique sur le sujet qu’il y a quelques années, ainsi même le journal Voir est rendu qu’il parle d’un artiste peintre une fois par décennie. Un autre répondant regrette : « Il n’y a plus de critiques d’art comme avant. »

Et lorsqu’on parle d’art, parle-t-on vraiment d’art ? Les fois où l’on donne la parole à un artiste sur un plateau grand public, on ne parle pas de son art lui-même, mais du succès, avant tout financier, que cet artiste connait.

Les rares journalistes qui portent attention aux arts visuels sont la plupart du temps des grands amoureux de l’art, explicite une répondante, comme si ça n’intéressait que les initiés. Les artistes peuvent parfois prendre un peu mal cette ignorance : « J’imagine que pour certains médias, nous ne sommes pas dignes d’intéresser la masse pour qu’on parle de nous de façon ponctuelle. »

Certes, les médias sont en période de grands changements. Exemple : « Malheureusement, avec plusieurs coupures au niveau fédéral, le portefeuille du ministère du  Patrimoine se voit réduit. Dans les grands médias, ce sont la culture et les arts qui sont les premiers touchés. » On peut aussi imaginer ce que peut faire une publication de moins par semaine à La Presse.

Pour d’autres, ce sont les médias montréalais qui ne sont pas assez téméraires. J’ai vu des journaux à Toronto avoir des cahiers complets le week-end sur les arts visuels !

La spécialisation des médias et la croissance significative des webmédias changent la donne : « Les médias sont fragmentés, partitionnés, spécialisés. Je crois que les arts occupent sensiblement la même place qu’avant, mais dans un espace médiatique dilué. » Ce qui fait dire à une répondante : « La visibilité au niveau des médias augmente, mais lentement. » Et comme nous le dit un amateur d’art : « Il y a les magazines culturels — tel que BAZ qui fait un superbe travail — mais dans les grands journaux et à la télé, l’art est inexistant. »

Il faut dire que le manque de couverture du domaine culturel dans les médias finit par avoir un impact sur la culture elle-même. Le manque de visibilité au niveau médiatique contribue au ralentissement et possiblement au désintérêt des clients potentiels, nous dit Pierre-Marc Desjardins, un agent d’artiste qui a répondu à notre sondage.

Si les médias parlaient un peu plus d’art visuel, on perdrait peut-être cette vieille mentalité qui fait que la peinture n’a de valeur que si le peintre est décédé, ou s’il a une carrière à l’étranger, philosophe un répondant.

Un autre artiste rappelle, avec raison, que c’est en encourageant tous les types d’art que l’on permet l’émergence de l’excellence. ■

[Photo : Œuvre de © Yvon Goulet.]

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